Femmes & Savantes
#Egalité #Recherche #Sciences

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Image : Marie Curie en 1911 – source : ttps://commons.wikimedia.org

« Il est plus facile de désagréger un atome qu’un préjugé ! » est un aphorisme attribué à Albert EINSTEIN, que l’on convoque souvent lorsqu’il s’agit de parler d’intelligences. En Sciences comme ailleurs, les préjugés ont la vie facile. L’un des plus tenaces est celui du rôle des femmes dans la pensée scientifique. Ingénieure, chercheuse, professeure : la féminisation des métiers techniques, comme des autres, contribue lentement au changement des mentalités. Une autre approche est possible : regarder lucidement l’Histoire. C’est ce que propose un homme, Gérard CHAZAL, dans son ouvrage Les Femmes et la science (Ellipses, 2015).

L’arbre et la forêt

Marie CURIE, première lauréate du prix Nobel de Physique ET de Chimie, scientifique hors-pair et citoyenne exemplaire, elle est un bel arbre qui cache une forêt trop inconnue : celle des contributions féminines à la science.

On attribue sans certitude historique la découverte de l’orbite elliptique de la Terre à Hypatie (360-415), philosophe et mathématicienne qui dirigea l’école néoplatonicienne d’Alexandrie. C’est le point d’ancrage d’un film réalisé par Alejandro AMENABAR en 2009, « Agora », dans lequel l’actrice Rachel WEISZ donne, tout en beauté, son corps et insuffle une âme à un personnage féminin dont les historiens savent relativement peu de choses. Victime de l’intégrisme chrétien de l’époque, son héritage n’a pas échappé à la destruction par ses persécuteurs… Vae Victis !

Emmy NOETHER (1882-1935) est une mathématicienne allemande, d’origine juive, sans doute des plus brillantes que la discipline ait connu. Elle laissé aux mathématiques pures un théorème qui porte son nom : en rapprochant les notions de symétrie et les lois de conservation, il établit un pont entre géométrie et algèbre. Etudiante à l’université d’Erlangen, elle devait se contenter d’être auditeur libre ; enseignante débutante à l’université de Göttingen, ses cours étaient supervisés par ses collègues masculins – signe des temps. Elle y a néanmoins bénéficié du soutien bienveillant de David HILBERT, l’un des mathématiciens les plus connus à l’époque, qui a pesé de sa notoriété pour dépasser les réticences de ses collègues, exprimées de façon parfois violente. « Pas de femmes en amphi, la science est une affaire d’hommes », le propos est rapporté par Gérard CHAZAL dans son livre. Les applications des travaux d’Emmy NOETHER sont nombreuses, par exemple pour la Théorie de la Relativité développée par Albert EINSTEIN, lequel reconnaissait ses contributions exceptionnelles aux mathématiques. Son cadre de pensée contribue également à établir des résultats précieux sur les équations de la mécanique… et des méthodes numériques potentiellement utiles à la simulation industrielle.

Ainsi que les droits des femmes, l’histoire d’une conquête que celle de la place des femmes dans les sciences – comme dans la société tout entière – racontée en exemples remis dans le contexte de leur époque. D’Hipathie à Emmy NOETHER, en passant par de nombreuses autres personnalités, les femmes ont été, autant que les hommes des contributrices remarquables à la recherche et aux découvertes scientifiques, luttant pour cela contre les préjugés.

Gérard CHAZAL défend avec justesse la thèse selon laquelle « le fait de tenir (les femmes) à l’écart (de la science) tient plus à des raisons idéologiques, sociales ou religieuses qu’à des raisons biologiques ». Il le montre par de nombreux exemples, couvrant différentes disciplines et périodes historiques. Les femmes sont tout aussi douées que les hommes pour les sciences dites « dures » (mathématiques, physique ou chimie) et leur apport passé – et surtout futur – est aussi déterminant que celui des hommes pour le progrès de la connaissance et de ses applications au bénéfice de l’humanité… Seuls les modes d’organisation des sociétés, les préjugés d’éducation, ou les enjeux de pouvoir, sont responsables de cette situation déséquilibrée.

Les femmes sont l’avenir de la science !

Les préjugés sont tenaces, encore au XXIème siècle, où les défis auxquels sont confrontés les humains ne manquent pas. Ignorer l’apport des sciences et techniques pour contribuer à les relever serait un manque de lucidité… comme celui d’en laisser à l’écart la moitié de la population ! Hommes et femmes restent différents. Ces différences sont heureuses : elles enrichissent. Et elles permettront peut-être un usage plus large et plus éthique des avancées technologiques à venir.

Il reste encore du chemin avant de féminiser les sciences – et d’ouvrir ses carrières à celles et ceux qui ont réellement envie de les embrasser. A tous les niveaux de formation après le cycle secondaire, la part des femmes reste minoritaire dans les sciences, en particulier les sciences « dures ».

Cela se retrouve en particulier dans les chercheurs en entreprise, dont l’exemple témoigne d’une situation plus globale. Selon les données du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en 2015, les sciences de l’ingénieur et les mathématiques ou la physique représentant les parts les plus importantes d’effectifs de chercheur(e)s en entreprise. Et la part des femmes y est nettement inférieure à la moyenne, 20%, que dans les autres domaines.

Il est plus facile de désagréger un atome…

 

Gérard Chazal – Les Femmes et la science – Ellipses, 2015 (10€, 151 pages)